vendredi 2 novembre 2012

PLU: l’étalement urbain renforcerait les phénomènes de division sociale

Les sujets de l’étalement urbain et de la mixité sociale sont très liés puisqu’ils constituent deux facettes d’une même question : où se localisent les populations? La ville dense traditionnelle permettait autrefois une certaine mixité, les individus de toutes catégories sociales coexistant au sein des mêmes habitations, du fait d’une possibilité de mobilité réduite. Aujourd’hui, si l’habitat individuel pavillonnaire répond bien aux aspirations des Français, il pourrait, dans le même temps, appauvrir les échanges entre les habitants et favoriser les phénomènes de ségrégation, autant en termes de catégories d’âge (personnes âgées plutôt en centre-ville, ménages avec jeunes enfants plutôt en périphérie), que de catégorie de revenus (ségrégation géographique des ménages aisés et défavorisés).

Les déterminants de la ségrégation spatiale des populations peuvent s’expliquer de deux manières.

D’une part, la théorie de Tiébout (1956) expose que les ménages « votent avec leur pieds » : ils sélectionnent le lieu de résidence qui leur fournira la meilleure combinaison de biens publics et d’impôts. En conséquence, un tri s’opérera naturellement entre les ménages, générant des communautés homogènes basées sur leur demande en termes de biens publics. Or, la demande en biens publics étant dépendante du revenu, ces communautés seront homogènes en termes de niveau de revenu.






D’autre part, l’expansion de la ville, en étendant le champ des possibles, permet effectivement l’expression des préférences de voisinage des individus, qui induisent généralement un regroupement « entre soi ». Ce type de comportement a été observé aux États-Unis où les classes dominantes ont délaissé certains quartiers lorsque la proportion de population d’autres origines ethniques y dépassait un certain seuil ; il a donné naissance à la théorie dite du « White flight ». Jacques Lévy travaille également sur des modèles théoriques mettant en évidence l’impact des préférences individuelles sur la forme urbaine, la capacité à accepter un voisinage aux niveaux de revenu variés permettant un moindre niveau d’étalement de la ville. J. Cavailhes souligne par ailleurs le rôle de la baisse du coût de transport qui, via l’extension des villes qu’elle a suscitée, a accentué la séparation dans l’espace des classes sociales.



En fin de compte, le lien de cause à effet entre étalement et ségrégation sociale n’est pas évident : la ségrégation est un des moteurs-mêmes de l’étalement et, en même temps, l’étalement, qui s’explique par d’autres facteurs que la ségrégation, permet sa mise en place. De surcroît, l’étalement ne jouerait pas nécessairement dans un sens uniquement négatif puisqu’il « atténue la pression foncière et permet d’affaiblir la force des mécanismes d’exclusion par les prix. ». (Guillaume Pouyanne, Étalement urbain et ségrégation socio-spatiale, une revue de la littérature, 2006)




Même si l’on ne peut trancher encore la nature exacte du lien entre ségrégation et étalement, la théorie du « spatial mismatch » (ou non-concordance géographique) formulée par Kain en 1968 souligne bien l’importance, dans l’accès à l’emploi, de la distance physique entre lieu de résidence et zones d’emploi. L’éloignement peut rendre plus difficile l’accès à l’information et ainsi l’efficacité de la recherche d’emploi, et dissuader les individus devant faire face à des coûts de transport ou de déménagement trop élevés par rapport au salaire proposé. De leur côté les employeurs peuvent être moins enclins à embaucher des personnes effectuant de longs trajets quotidiens. C’est pourquoi tout projet d’aménagement doit inclure une politique volontariste sur ce volet. Les aménageurs ont actuellement soin de rechercher une certaine mixité sociale et fonctionnelle dans leurs projets, en combinant logements et activités économiques et en prévoyant un certain pourcentage de logements sociaux.

in Étalement urbain,18 janvier 2010

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